OCCHIALI NERI

Une prostituée qui a perdu la vue et un jeune Chinois orphelin unissent leurs forces pour mettre un terme aux agissements d'un maniaque qui sévit sur Rome.

 

Réalisation : Dario Argento

Scénario : Dario Argento, Franco Ferrini, Carlo Lucarelli

Photographie : Matteo Cocco

Musique : Arnaud Rebotini

Durée : 85 minutes

Production : Conchita Airoldi, Brahim Chioua, Laurentina Guidotti

Date de sortie : 2022

Genre : Giallo moderne

 

Ilenia Pastorelli : Diana, Asia Argento : Rita, Andrea Gherpelli : Matteo, Mario Pirrello : commissaire Aleardi, Xinyu Zhang : Chin

 

 

DRACULA 3D nous avait laissé un goût amer dans la bouche. Pire que GIALLO et LA TERZA MADRE réunis, le dernier film de DARIO ARGENTO, n'était qu'une succession de saynètes d'une médiocrité et d'une laideur jamais vues dans la carrière du cinéaste. Dérisoire, la pseudo 3D enfonçait le clou d'un spectacle définitivement ringard.

Dix ans plus tard, soit une éternité pour lui et pour nous, le metteur en scène se rappelle à notre souvenir avec ce nouveau retour au giallo écrit au début des années 2000 avec FRANCO FERRINI, son fidèle scénariste depuis PHENOMENA. Soit l'époque où sortait le recommandable SANG DES INNOCENTS, long-métrage qui en son temps avait déjà pour mission de relancer la carrière du réalisateur. Comme quoi, les pannes d'inspiration du maestro ne datent pas d'hier.

Moins stylisé que ses gialli des années 70/80, OCCHIALI NERI se veut aussi sobre que possible. Il ne faut donc pas compter sur lui pour ressusciter les coups d'éclat baroques d'un FRISSONS DE L'ANGOISSE ou l'enquête policière tarabiscotée d'un TÉNÈBRES sous peine de subir une grave désillusion. Seules quelques références au passé nous rappellent que c'est bien Dario Argento qui est à la barre.

Plus intéressé par son tandem de laissés pour compte (ILENIA PASTORELLI et XINYU ZHANG, acteurs au jeu assez figé) que par la mécanique de l'angoisse, le cinéaste s'attarde beaucoup sur la relation entre les deux personnages, se laissant même aller à un sentimentalisme assez inédit chez lui. On pense souvent à l'oncle et à la nièce du CHAT À NEUF QUEUES, autre tandem improbable, mais attachant qui liait son destin pour mettre un terme aux méfaits d'un maniaque.
On regrettera en revanche la sous-utilisation d'ASIA ARGENTO (RITA), qui hérite d'un rôle purement anecdotique. Ce n'est donc pas cette fois qu'elle rééditera l'exploit du SYNDROME DE STENDHAL, le meilleur film qu'elle a tourné avec son père. Et l'une de ses meilleures interprétations tout court.

L'enquête policière et le tueur en série font office de béquille. Certes, la police n'a jamais brillé par sa vivacité dans les films de Dario Argento. Mais elle n'avait jamais atteint un tel degré de j'm'en-foutisme. À sa décharge, il faut bien avouer que la personnalité du malade mental n'a rien de très inspirant. D'une banalité déconcertante, les apparitions du tueur de prostituées ne sont jamais sacralisées, si ce n'est à l'occasion d'un trop court rêve qui n'est pas sans rappeler Ténèbres. Mais ce ravalement de façade ne date pas d'hier. Le médiocre Giallo nous présentait déjà un Argento désireux d'en finir avec la stylisation à outrance de l'assassin. Un revirement regrettable, car c'est ce qui faisait de ses films de véritables expériences sensorielles sans équivalent dans le genre.
La découverte de l'identité du meurtrier n'occasionne aucune surprise, Argento ne cherchant même pas à la dissimuler sous un flot de suspects potentiels. Et ses motivations, bien dans l'air du temps, sont à peine effleurées.
Malgré son manque d'ambition et son esthétique très limitée (la photographie présente de nombreux flous qui n'ont rien d'artistique), Occhiali Neri est largement plus regardable que les trois derniers films du réalisateur. On peut même trouver un certain intérêt aux péripéties du duo d'enquêteurs en herbe, qui s'achève sur une longue séquence nocturne frissonnante. L'occasion pour Argento de revisiter l'une des séquences gores clés de SUSPIRIA. L'aspect esthétisant en moins. Une constante que l'on retrouve dans les autres scènes sanglantes, peu nombreuses, mais toutes traitées avec la même crudité, à l'image du meurtre barbare qui ouvre les hostilités. Décidément, il semble loin le temps où Argento affirmait vouloir extirper la beauté de l'horreur.
Mention spéciale aux dernières secondes dans l'aéroport, émouvantes et particulièrement révélatrices du spleen qui touche le réalisateur, désormais plus intéressé par les relations humaines que par l'anatomie du crime. 

Un long-métrage un peu brouillon, mais attachant qui stoppe la descente aux enfers enclenchée depuis 15 ans.

  

★★☆☆☆

 

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