LES FRISSONS DE L'ANGOISSE

Pianiste de jazz américain installé à Turin, Marcus Daly assiste un soir au meurtre d'une célèbre medium  de passage en Italie. Convaincu qu'un détail lui a échappé, il s'improvise enquêteur pour découvrir l'identité de l'assassin.

 

Réalisation : Dario Argento

Scénario : Dario Argento, Bernadino Zapponi

Photographie : Luigi Kuveiller

Musique : Goblin

Durée : 125 minutes (version longue)

Production : Claudio et Salvatore Argento

Date de sortie : 1975

Genre : Giallo 

 

David Hemmings : Marcus Daly, Daria Nicolodi : Gianna Brezzi, Gabriele Lavia : Carlo, Macha Méril : Helga Ulmann, Eros Pagni : commissaire Calcabrini, Clara Calamai : la mère de Carlo

 

Dans la filmographie de DARIO ARGENTO, il y a un avant et un après LES FRISSONS DE L'ANGOISSE. Si les prémices d'un style inimitable étaient déjà apparues sur les trois premiers gialli du réalisateur (L'OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL, LE CHAT À NEUF QUEUES, QUATRE MOUCHES DE VELOURS GRIS), il manquait à ces films le petit quelque chose qui propulserait le cinéaste dans la catégorie des grands auteurs.

Ce sera chose faite avec ce nouveau long-métrage, qui amène toutes les obsessions de l'Italien à un niveau supérieur.

Finis la (relative) sagesse et le côté un peu passe-partout de certains projets précédents (Le Chat à neuf queues était presque banal), Les Frissons de l'angoisse porte tous les stigmates d'un giallo hors norme. L'enquête, d'une simplicité désarmante, la police, reléguée au second plan, l'amourette entre les deux personnages principaux, cocasse, mais sans grand intérêt (c'est peu dire que le talent de DARIA NICOLODI est sous-exploité) ne sont qu'un prétexte à un passionnant voyage dans la conscience et les ténèbres. Un voyage éclaboussé de sang couleur "rouge profond".

Les séquences d'anthologie se bousculent au portillon. Tirant le meilleur parti d'une silhouette maléfique et insaisissable qui ne connaît aucune limite d'ordre physique ou moral, Argento signe des scènes d'angoisses déconcertantes. Déconcertantes, car c'est une ritournelle enfantine qui sert de catharsis aux pulsions du tueur. Déconcertantes, car la mort frappe n'importe où et à n'importe quel moment et est capable de prendre l'aspect le plus improbable qui soit. On n'est donc pas étonné de voir un pantin diabolique ou des oiseaux débouler dans une pièce avant que la grande faucheuse ne s'abatte sur les personnages, leur infligeant des tortures parfois insoutenables, à l'image de cette campagnarde qui finira sa course ébouillantée dans sa baignoire ou de ce professeur qui mourra poignardé sur son bureau.

Épatant dans la peau d'un pianiste (MARCUS) témoin d'un crime qui va mettre sa mémoire et son sens de l'observation à rude épreuve, DAVID HEMMINGS (héros de BLOW-UP, autre œuvre consacrée à un homme obsessif) porte le film à bout de bras. Chaleureux et charismatique, l'acteur sert de phare au spectateur, embarqué dans un univers où les explorations baroques et les confrontations avec le mal défient l'entendement.

Sommet du long-métrage, la longue séquence dans la maison abandonnée marque l'apothéose d'une quête éprouvante pour les nerfs. Unies par le même jusqu'au-boutisme artistique, la mise en scène exaltée de Dario Argento (qui multiplie les travellings précieux et les gros plans pénétrants) et la bande-son tapageuse des GOBLIN (qui déploient un jazz-rock agressif et hypnotisant) transforment les lieux en une sorte d'antichambre de l'enfer où chaque recoin peut devenir mortel. C'est pourtant cet endroit sépulcral qui recèle la clé de l'énigme. Mais pour la découvrir, Marcus devra être capable de gratter sous le vernis des apparences et envisager une vérité sinon impossible, du moins inenvisageable.

Il y a deux dates dans l'histoire du giallo : SIX FEMMES POUR L'ASSASSIN de MARIO BAVA, qui a scellé les bases du genre. Et Les Frissons de l'angoisse, giallo freudien qui s'intéresse moins à l'enquête policière qu'à la quête de la vérité, démarche sinueuse qui s'apparente à un voyage en conscience dont ni les personnages ni le spectateur ne sortiront indemnes.

Plus intense et psychologique que son aïeul, le long-métrage de Dario Argento a redéfini le genre. Et jusqu'à présent, personne n'a fait mieux que lui.

 

★★★★★

 

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