HALLOWEEN

Deux journalistes se rendent à Haddonfield pour réaliser un reportage sur le massacre perpétré par Michael Myers lors de la nuit d'Halloween en 1978. Le reportage tourne au cauchemar lorsque Myers parvient à s'évader lors d'un transfert vers un nouvel asile psychiatrique. 

 

 

Réalisation : David Gordon Green

Scénario :  David Gordon Green, Danny McBride, Jeff Fradley

Photographie : Michael Simmonds

Musique : John Carpenter, Cody Carpenter, Daniel Davies

Durée : 106 minutes

Production : Malek Akkad, Jason Blum et Bill Block

Date de sortie : 2018
Genre : Slasher

 

Jamie Lee Curtis : Laurie Strode, James Jude Courtney : Michael Myers, Judy Greer : Karen Nelson, Andi Matichak : Allyson Nelson, Will Patton : officier Frank Hawkins

 

Faire table rase du passé pour mieux écrire l'avenir. La méthode est connue, mais idéale pour rebooster une franchise qui s'était égarée dans les méandres des résurrections intempestives et des invraisemblances au fil des décennies. Pour autant, HALLOWEEN de DAVID GORDON GREEN ne donne pas un coup de gomme sur la totalité de la saga. Non, il fait juste abstraction de tout ce qui est sorti après le classique HALLOWEEN, LA NUIT DES MASQUES de JOHN CARPENTER. Ce qui fait quand même sept films au compteur (on écartera les deux volets indépendants signés ROB ZOMBIE), soit beaucoup d'habitudes et de souvenirs que le spectateur est gentiment amenés à oublier. 

Une recette qui avait déjà utilisé par  HALLOWEEN, 20 ANS APRÈS de STEVE MINER (1998), long-métrage qui faisait le choix de ne retenir que les deux premiers épisodes de la série. Autre point commun avec le volet qui nous intéresse ici, Halloween, vingt ans après orchestrait lui aussi la résurrection du personnage mythique de LAURIE STRODE après l'avoir mise de côté pendant de nombreuses années. Avec un résultat plus que probant.

Halloween joue lui aussi la carte des retrouvailles. Mais également celle de l'hommage solennel.

Les clins d’œil au classique de John Carpenter sont omniprésents. Que ce soit Laurie Strode (JAMIE LEE CURTIS, loin du glamour d'antan), MICHAEL MYERS (dont le visage vieillissant interpelle, voire choque durant les premières minutes), les scènes cultes revues et corrigées, la bande-son, les bruitages, les décors, les dialogues, sans oublier le masque du tueur, qui a forcément subi le passage du temps, le film sent bon le travail de fans qui ont été marqués à vie par une œuvre à la fois visionnaire et authentique. Au point de vouloir lui offrir une sorte de décalque.

Hélas, il y a une différence entre rendre hommage pour mieux construire son identité et dérouler sa fan attitude pendant 1H40. Et le curseur d'Halloween penche plus vers le second que vers le premier.
Jamais on ne retrouve le souffle épique du premier épisode. La fraîcheur et la poésie ont cédé leur place à une approche presque chronométrée où les meurtres, les poursuites et les références se multiplient.
Michael Myers ne contemple plus ses proies, il les tue manu militari. Michael Myers ne se fond plus dans le décor tel un fantôme, il jaillit de n'importe où tel un exterminateur pressé. Autres temps, autres mœurs. On sent que le bonhomme a besoin de rattraper le temps perdu après quarante années passées dans un asile psychiatrique. Et c'est justement là que le bât blesse : jamais on ne ressent la moindre passion pour le personnage, transformé pour l'occasion en une sorte de VRP de l'homicide.

Sa panoplie est vaste : du gore classique au craspec, en passant par le suggestif ou le hors champs - strangulation, écrabouillement, nuque brisée, sans oublier les incontournables meurtres au couteau de boucher, les victimes vont passer un sale quart d'heure entre ses mains -,  Myers nous offre un best of du genre slasher. C'est proprement exécuté, consciencieusement filmé en cinémascope, nimbé d'éclairages parfois chiadés (très esthétique séance de baby-sitting qui se termine dans une mare de sang), mais ça manque cruellement d'âme malgré l'interprétation menaçante du colosse JAMES JUDE COURTNEY. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, les hésitations du personnage (hésitations qui le rendaient presque humain jadis) ne sont pas exploitées ici.
Face au boogeyman, Laurie Strode pâtit d'une approche que l'on aurait souhaitée un peu plus fine psychologiquement parlant. Brute de décoffrage, l'héroïne souffre d'un trauma nettement moins bien traité que dans Halloween, vingt ans après, film qui traduisait ses démons intérieurs et l'idée de voir ressurgir son "monstre" avec plus de subtilité. À vrai dire, on ne ressent que peu de compassion pour Laurie, ce qui est peut-être le plus grand drame du film. Collectionneuse d'armes et de pièges à tiroirs, l'ex-frêle jeune femme est devenue une sorte de cow-boy des temps modernes guettant la venue de Myers (alias l'entité qui a laminé sa vie privée et sa famille) comme si cette dernière coulait de source, avec pour conséquence d'annihiler toute forme de surprise quand le maniaque prend la poudre d'escampette le soir du 31 octobre.

Oui, le personnage a vieilli. Et pas très bien.

Le jeu de Jamie Lee Curtis est à l'image du personnage : efficace, presque brutal, mais peu attachant tant on est parfois à deux doigts du trop-plein émotionnel, voire de la surexcitation.

Mis sur des rails, les deux meilleurs ennemis du monde vont se livrer à face-à-face d'autant moins passionnant qu'aucun nouveau caractère n'a les épaules pour nous faire oublier le côté ronronnant du scénario. Ni la petite-fille de Laurie, ALLYSON (incarnée par la peu charismatique ANDI MATICHAK), ni sa fille KAREN (JUDY GREER, assez fade), ni les jeunes personnages masculins, au choix idiots, buveurs, dragueurs ou les trois réunis, ne peuvent prétendre catalyser l'attention du spectateur quand Myers et Laurie sont absents.

Halloween ne peut donc compter que sur quelques idées intéressantes éparpillées au gré de l'inspiration des scénaristes.

Héritier fiévreux du Docteur SAM LOOMIS, le Docteur RANBIR SARTAIN (HALUK BILGINER) et le tandem de journalistes rapaces nous offrent un pré-générique où le silence légendaire de Michael Myers s'érige en modèle d'angoisse. Une bien belle entrée en matière implacablement suivie d'un générique ô combien classique, mais efficace à base de citrouille et de police de caractère orangée dans la droite ligne du premier opus. De quoi réveiller la fibre nostalgique en même temps que l'appétit pour la nouveauté.

Autre scène de suspense réussie, l'évasion un brin téléphonée de Myers (qui a bien pu avoir l'idée saugrenue de le transférer un 31 octobre ?) débouche sur un jeu du chat et de la souris perturbant dans un brouillard à couper au couteau. Une scène impitoyable qui confirme le bon état de santé d'un croquemitaine visiblement peu émoussé par ses quarante années de vacances forcées ! Sexagénaire oui, grabataire, non, et ce, même si une énorme erreur d'appréciation de sa part viendra semer le doute quant à ses facultés aux trois quarts de la projection - ou comment un gros clin d’œil à HALLOWEEN 2 va virer au fiasco pour l'ami Michael.

Enfin, si elle est très loin d'égaler la furie du long-métrage de John Carpenter, la fameuse séquence finale, passage obligé que tout slasher digne de ce nom se doit de transcender, referme la dernière page du film avec suffisamment d'énergie et de pièges incandescents pour que l'on ferme les yeux sur sa redondance.

Finalement, le plus grand problème d'Halloween est qu'il ne sert à rien si ce n'est à relancer le business de la franchise, juteusement d'ailleurs si l'on s'en tient aux 250 millions de dollars cumulés au box-office mondial.

Coincé entre la poésie macabre du premier épisode et la résurrection ludique d'Halloween, 20 ans après, il échoue à cultiver l'aura de deux monstres sacrés qui ont beaucoup perdu de leur magnétisme en tombant entre les mains d’aficionados meilleurs compilateurs qu'entertainers.

 

★★☆☆☆

 

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