QUI L'A VUE MOURIR ?

À Venise, la petite fille d'un sculpteur séparé de sa femme est assassinée par un tueur en série. Après le drame, le couple cherche à démasquer l'assassin.

 

 

Réalisation : Aldo Lado
Scénario : Massimo D'Avack, Francesco Barilli, Aldo Lado, Rüdiger von Spihes

Photographie : Franco Di Giacomo

Musique : Ennio Morricone

Durée : 90  minutes

Production : Enzo Doria

Date de sortie : 1972

Genre : Giallo mélancolique

 

 

George Lazenby : Franco Serpieri, Anita Strindberg  : Elizabeth Serpieri, Nicoletta Elmi : Roberta Serpieri, Adolfo Celi :  Serafian, Dominique Boschero  :  Ginevra Roussel, Peter Chatel : Filippo Venier

QUI L'A VUE MOURIR ? est un giallo atypique. Là où les films du même genre surenchérissent sur la violence graphique et d'érotisme débridé, le long-métrage d'ALDO LADO embrasse une voie beaucoup plus adulte. Personnage à part entière, la ville de Venise apparaît sous un jour entretenant peu de rapports avec la Sérénissime cité des eaux tant vantée par les dépliants touristiques.
Froide, lugubre et presque impénétrable, elle se subdivise en autant de canaux, de ruelles et d’entrepôts désaffectés brumeux dans lesquels les protagonistes vont errer telles des âmes en peine. Persona non grata, le soleil n'illumine plus la Reine de l'Adriatique qu'à de très rares exceptions. Et pour cause, l'optimisme et l'allégresse n'ont aucune raison de transparaître plus que cela, exception faite des quelques minutes où un père et sa fille vont sans le savoir goûter à leurs derniers instants de vie commune.
Assez touchant en dépit d'une interprétation manquant de force (méconnaissable sous ses moustaches et ses cheveux de hippie, l'ex-JAMES BOND GEORGE LAZENBY peine à communiquer toute la tristesse et la rage d'un père déterminé à démasquer le ou les assassins de sa petite fille ;  la délicieuse ANITA STRINDBERG est sous-exploitée), Qui l'a vue mourir ? nous propose une (en)quête dont les tenants et aboutissants reposent sur un élément déchirant : le meurtre d'un enfant. Soit le sujet tabou par excellence.

Révélé avec tact (le réalisateur fait le choix judicieux de n'exposer qu'un corps flottant vu de dos), l'odieux homicide va impulser une intrigue qui, si elle se montre assez bavarde sur la durée, fait preuve d'une belle cohérence et surtout, d'une belle dissidence contre l'hypocrisie des institutions.

Comme dans son précédent giallo, l'inclassable JE SUIS VIVANT (1971), Aldo Lado tire à boulets rouges sur la grande bourgeoisie italienne, une bourgeoisie médiocre et dévoyée (les pédophiles y côtoient en toute liberté les obsédés sexuels) prête à toutes les bassesses pour taire un secret dont la teneur nous sera dévoilée dans les ultimes minutes. 
Au-delà de cet aspect sociologico-polémique assez original pour un giallo, le film ménage également quelques séquences de suspense plutôt réussies. Toutes les scènes préfigurant la mort de la fillette (incarnée par la troublante NICOLETTA ELMI, l'une des figures incontournables du cinéma de genre italien des années 70) baignent dans une ambiance poisseuse que la musique du grand ENNIO MORRICONE et les plans en caméra subjective d'Aldo Lado rendent insoutenable.

Insoutenable parce que l'on connait dès le départ le triste sort qui attend la petite rouquine - le titre et le meurtre inaugural à Megève nous ont mis la puce à l'oreille. Insoutenable parce qu'à contrario des dizaines et des dizaines de gialli récréatifs qui ont inondé les écrans au début des années 70, la position de voyeur dans laquelle le long-métrage nous place n'a rien de très confortable ni de très ludique.
Mais tel est le prix à payer pour savourer la substantifique moelle de ce thriller brumeux et difficile d'accès reposant sur des décors aussi chancelants que les sentiments de ses protagonistes, tous arrivés à un tournant de leur vie.

 

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Commentaires: 3
  • #1

    Allan (lundi, 04 juillet 2016 00:02)

    Tu vas sans doute trouver ça bizarre mais la jaquette du film me donne envie de le regarder (bon, j'ai lu ta critique hein ^^), en plus le titre est vachement chouette et donne envie;

  • #2

    Dariofulcio13 (samedi, 20 août 2016 20:17)

    Je crois être passé à côté de ce film. Le problème est que je l'ai vu quelques jours seulement après le mastodonte que fut "La Longue nuit de l'exorcisme" au sujet proche (mais au traitement différent) et inévitablement le souvenir du film de Fulci est venu se greffer sur celui lors de sa découverte. Je dois lui reconnaître une certaine atmosphère et plusieurs fulgurances (la BO stressante en diable, les scènes tendues du début avec la fillette que l'on craint - comme tu dis - car on sait comment ça va se terminer...) mais j'ai eu le sentiment de "décrocher" passé ce drame. Pas trop accroché au personnage du père que j'ai trouvé peu attachant et assez déçu de la sous-exploitation de la superbe Anita...mais bon je lui donnerait certainement une seconde chance :)

  • #3

    theblackscreen (dimanche, 21 août 2016 18:05)

    "Le problème est que je l'ai vu quelques jours seulement après le mastodonte que fut "La Longue nuit de l'exorcisme"

    Ah, en effet, il est très sympa celui-là. Mais il me semble qu'on en a déjà discuté sur ton blog...
    Je ne sais pas si tu es au courant, mais il va sortir en Blu-ray français à l'automne prochain.